Un regard sur la valeur ajoutée des contributeurs numériques à travers du digital labour.

Étude des blogueurs rattachés à un média d’information.

Résumé

Pouvons-nous assimiler la relation entre les blogueurs et les médias d’informations et de communication au digital labour? Telle est la question centrale de ce mémoire. Au travers des études des sciences de l’information et de la communication (SIC) et de la sociologie du travail, nous avons voulu mener une réflexion critique sur le cas particulier des blogueurs, avec l’objectif d’apport une analyse à la discussion plus large de la transformation de la place du travail dans la société et son étroit lien avec le monde du loisir. Pour ce faire, nous avons réalisé une analyse sur les mécanismes de la création et l’exploitation de la valeur ajoutée, fruit des activités des blogueurs, afin de comprendre si ceux-ci s’assimilent à la figure du digital laborer. Une attention particulière a été accordée à trois éléments : l’intérêt des médias d’information et de la communication aux blogueurs, l’implication et les motivations des blogueurs en ces médias et le blogueur en tant qu’un travailleur de l’économie numérique. Enfin, nous avons choisi l’entretien semi-directif comme dispositif méthodologique de recherche pour tester notre hypothèse avec des blogueurs et des responsables du site web d’un magazine d’actualité français.

Abstract

Can we resemble the existing relationship between the bloggers and digital media to the digital labour? This is the main question of this master’s thesis. Considering different works from the media studies, and labour sociology, we want to present a critical analysis of the particular case of the bloggers, aiming to contribute to a more general discussion about the work’s role transformation in the society and its close link to the leisure. For doing this, we present an analysis about the creation and exploitation mechanisms of the added value resulting from the bloggers work, looking to understand if they resemble the figure of the digital laborer. We put special care to three elements: the interest the communication and information media have in the bloggers; the motivation behind the approaching of the bloggers to the media; and the blogger pictured as a worker of the digital economy. Finally, we made some semi-structured interviews in order to know the reality of some bloggers associated to a French news magazine.

Introduction

Le mot otium, en grec ancien, signifiait loisir en opposition au mot labour signifiant travail. L’otium était l’ensemble des activités qui permettait à l’homme de s’épanouir sans se préoccuper des horaires et des contraintes du travail. Cependant, depuis plusieurs années, les frontières entre le travail et les loisirs ne sont plus aussi nettes dans la vie quotidienne rendant plus difficile la distinction entre le début du travail et la fin des loisirs.

Aujourd’hui, de nombreux espaces numériques prennent l’apparence du divertissement cachant en fait un vrai travail de l’utilisateur. Par exemple, publier un commentaire sur un réseau social, traduire des phrases pour Google Translate, décrypter des captchas et alimenter un blog sont de petits travaux dans l’économie numérique qui génèrent de la plus-value pour beaucoup d’entreprises du secteur numérique.

Les industries culturelles et notamment les médias d’information et de communication n’échappent pas à cette logique. Depuis plusieurs années, nous assistons aux mutations au sein de ces industries, dues en grande partie, au développement de l’économie numérique et aux changements sociaux. Dorénavant, la dynamique du secteur tend en partie à l’exploitation du potentiel cognitif des internautes à travers leur mise à contribution (MOULIER BOUTANG, 2008).

Au sein de ce nouveau système économique, l’immatériel et la connaissance ont un rôle stratégique dans la production de richesses (COLIN, 2015). Dans le cas des médias d’information et de communication, ce mouvement représente de grandes opportunités de réorganisation des modes de production et de captation de la valeur d’une masse d’individus prêts à coproduire gratuitement et de manière enthousiaste (DUJARIER, 2008). L’enjeu des médias est maintenant d’arriver à capitaliser la force créatrice des milliards d’internautes tout en améliorant la compétitivité et la stabilité économique. Cela devient d’autant plus important compte tenu du contexte actuel de crise économique, où de nombreux médias ont vu baisser leurs recettes publicitaires et d’autres sources de revenus (CAGÉ, 2015).

Certains médias s’appuient sur la valeur ajoutée des contributeurs numériques sur les réseaux sociaux et sur les blogs pour élargir leur influence de marque et s’étendre vers d’autres niches du marché. Dans le cas des blogueurs qui décident d’opérer sur le site internet du média, les enjeux sur la séparation entre les loisirs et le travail deviennent majeurs. Pouvons-nous considérer les blogueurs comme des employés du média? Pour ceux qui génèrent de la plus-value sans être rémunérés en échange de leurs activités sont-ils des digital laborers? Celui-ci est l’archétype symbolisant la précarisation et l’aliénation du travailleur à l’heure du numérique.

Ce mémoire de fin d’études s’inscrit dans le prolongement de cette thématique. En nous appuyant sur les études des industries culturelles, et plus particulièrement sur les mutations de la presse; les blogs et le digital labour, notre étude présente des éléments d’analyse cherchant à apporter une réflexion sur le sujet.